Un adolescent un peu désœuvré et paresseux habitant le village, sortit une nuit pour « faire la prière ». Intrigué par le bruit provoqué par les chaines avec lesquelles on attache les chiens et les taureaux, il se dissimula dans les bambous. Au bord de l’eau, une mule se désaltérait sans tenter de se cacher. Le jeune homme, très alerte, la saisit par la bride avec l’intention d’enfoncer son poignard dans le sol, comme la coutume le lui ordonnait.
– Ne plante pas ton couteau dans la terre, supplia-t-elle. Je ferai tout ce que tu me demandes, mais surtout ne me dénonce jamais.
Le garçon regarda d’un air interrogateur le tas de fumier qu’il devait transporter sur son champ, et même s’il n’était pas très futé, il proposa à la mule de faire le travail à sa place. Le marché fut conclu et jusqu’au petit matin, elle accomplit fidèlement la tâche que le jeune homme lui assigna.
Au lever du jour, les habitants furent impressionnés par la quantité de boulot abattu par, pensaient-ils, le garçon. Ce dernier se garda bien de révéler son secret et la présence de la mule.
Très fier de l’admiration dont il était l’objet, il pavane depuis lors dans le village paré d’une réputation d’homme fort.
Tout le monde croit dur comme fer à cette histoire, même si, à coups d’arguments raisonnables et raisonnés, j’ai tenté de persuader mes interlocutrices d’être plus clairvoyantes, mais rien n’y fit.
Ne dit-on pas avec malice que les femmes sont des têtes de mules ?
1 En référence à la mort et les cimetières.