
Contes et légendes
Les contes se perdent dans la nuit des temps. Ils remplissent une fonction qui va au-delà du récit pour être accueillis de manière acceptable par notre inconscient, souvent bridé par notre esprit rationnel. Ils sont peuplés de monstres féroces, et de hérissons malicieux qui font la nique aux loups prétentieux. Les ogres volent dans le ciel, dévorent leurs proies tandis que les ânes se dévoilent plus intelligents que ce que racontent les livres. Tous s’affrontent et font la morale, mais derrière l’histoire pointe la sagesse populaire qui se transmet de génération en génération.1
Les enfants comprennent, plus vite que les adultes qui sont quelques fois plus lents à ouvrir leurs yeux sur ce que les contes nous révèlent. Parce qu’ils dérangent ?
1 B. Betelheim a bien mis en avant cette dimension dans son ouvrage « Psychanalyse des contes de fées ».
Extrait : L’homme fort et la mule des tombes1
Un adolescent un peu désœuvré et paresseux habitant le village, sortit une nuit pour « faire la prière ». Intrigué par le bruit provoqué par les chaines avec lesquelles on attache les chiens et les taureaux, il se dissimula dans les bambous. Au bord de l’eau, une mule se désaltérait sans tenter de se cacher. Le jeune homme, très alerte, la saisit par la bride avec l’intention d’enfoncer son poignard dans le sol, comme la coutume le lui ordonnait.
– Ne plante pas ton couteau dans la terre, supplia-t-elle. Je ferai tout ce que tu me demandes, mais surtout ne me dénonce jamais.
Le garçon regarda d’un air interrogateur le tas de fumier qu’il devait transporter sur son champ, et même s’il n’était pas très futé, il proposa à la mule de faire le travail à sa place. Le marché fut conclu et jusqu’au petit matin, elle accomplit fidèlement la tâche que le jeune homme lui assigna.
Au lever du jour, les habitants furent impressionnés par la quantité de boulot abattu par, pensaient-ils, le garçon. Ce dernier se garda bien de révéler son secret et la présence de la mule.
Très fier de l’admiration dont il était l’objet, il pavane depuis lors dans le village paré d’une réputation d’homme fort.
Tout le monde croit dur comme fer à cette histoire, même si, à coups d’arguments raisonnables et raisonnés, j’ai tenté de persuader mes interlocutrices d’être plus clairvoyantes, mais rien n’y fit.
Ne dit-on pas avec malice que les femmes sont des têtes de mules ?
1 En référence à la mort et les cimetières.